
Les étudiants du CESTI ont accueilli le mercredi 16 mars 2016, Mamadou Ibra Kane (directeur de publication des quotidiens Stades et Sunu lamb) et Cheikh Thiam (directeur de publication du quotidien Le soleil). Le thème de cet entretien avec les étudiants était "Entreprises de presse: difficultés et perspectives". L'histoire de la presse écrite ainsi que les difficultés liées au médium ont été les points focaux de cette rencontre.
Cheikh Thiam se prononce sur la crise de la presse.
Le secteur de la presse toute entière est en crise. Au Sénégal, Le soleil et RFM étaient les seuls médias du temps. Sud fm et Walfadjri existaient mais n'étaient pas concurrents. De 1993 à 1996, ils étaient les seuls quotidiens jusqu'à l'arrivée du quotidien Le matin.
En effet, c'était la période des vaches grasses car il n'y avait pas beaucoup de convives mais de nos jours, il existe plus de quinze organes. Malgré cet état de choses, le gâteau n'a pas augmenté. "La multiplication des supports crée la multiplicité des voies": affirme t-il. Les maisons de presse vivent des recettes et des publicités. C'est le cas de "soleil" qui aurait fermé ses portes sans les ventes et les insertions publicitaires: autrement dit, ce quotidien ne vit que des marchés. "Aujourd'hui, le soleil fait plus de 2 milliards de recettes publicitaires et respecte ses engagements vis-à-vis des employés; depuis Juin 2006, les salaires ont été augmentés de 40%" selon ses propos. Les entreprises ont un budget fixe au cours de l'année. De nos jours, la presse en ligne concurrence la presse écrite. Cette concurrence s'illustre par les panneaux numériques de diffusions publicitaires et le web journalisme: cela crée une mévente. Il y a plus de lecteurs à Abidjan qu'à Dakar. En matière de tirage d'exemplaires de journaux, 22 à 25 000 tirages sont faits à Abidjan tandis que 10 à 15 000 sont faits à Dakar car le lectorat est faible et les tirages ne sont pas certifiés. Selon les données de l'UNESCO, le Sénégal tirait 200 000 exemplaires par jour en 2011. L'environnement global de l'économie pèse sur les emplois. Les médias alternatifs et les réseaux sociaux sont devenus de puissantes sources d'information. Chacun est journaliste en puissance, c'est le voyeurisme et cela porte préjudice à la presse car aucun traitement des informations n'est fait en journalisme citoyen. Chaque pays a ses réalités propres et vit ses crises.
Ne faut-il pas réinventer le modèle?
Pourquoi ne pas exercer le métier comme auparavant il y a 20 à 40 ans?. Soyons assez imaginatifs et audacieux. La technologie va à une vitesse extraordinaire. L'information est relayée en ligne, à chaud et en temps réel. La jeunesse d'aujourd'hui ne s’intéresse plus à la lecture car le web est d'actualité. Il nous faut réinventer le modèle économique afin de nous adapter aux périples. Le soleil est spécialisé en fabrication et en vente mais compte élargir son champ d'actions vers la distribution.
Ibra Kane donne son avis sur le sujet en se prononçant sous un autre angle: les manifestations de la crise.
Selon tous les observateurs, la presse sénégalaise a joué un rôle fondamental en 2012. Elle a pu déjouer la fraude électorale et a joué un rôle de stabilisateur social. Ce n'est pas le cas en CIV car beaucoup de journaux ivoiriens sont des journaux partisans: on en trouve aussi dans beaucoup d'autres pays. Certains journaux sont financés par des hommes politiques. Dans la presse sénégalaise, une des tares à partir des années 2000 est liée au fait qu'il y a beaucoup de rumeurs, de diffamations et d'attaques personnelles. Malgré tous les acquis qui pourraient être remis en cause, il y a des problèmes qui menacent l'intégrité de la presse. Par exemple, tout le personnel de beaucoup d'entreprises de presse a des arriérés de salaires mais ils parviennent à
survivre tant bien que mal. C'est une situation dangereuse car les journalistes sont obligés de survivre par des moyens pas forcément conformes. Aussi, il n'y a aucune couverture sociale. La presse a des problèmes de viabilité économique. La cour des comptes a mentionné dans son rapport que n'eut été la subvention octroyée par l'état du Sénégal, le soleil n'aurait pas pu exister.
survivre tant bien que mal. C'est une situation dangereuse car les journalistes sont obligés de survivre par des moyens pas forcément conformes. Aussi, il n'y a aucune couverture sociale. La presse a des problèmes de viabilité économique. La cour des comptes a mentionné dans son rapport que n'eut été la subvention octroyée par l'état du Sénégal, le soleil n'aurait pas pu exister.
Malheureusement il y a peu de managers dans le monde journalistique. L'information est une marchandise et il faut des acteurs capables de la vendre. Cette vente nécessite une certaine expertise car même avec beaucoup d'argent, si l'expérience n'y est pas, il est difficile d'aboutir à de bons résultats.
De manière générale, il y a une absence de politique d'état dans la gestion médiatique. En France, l'ensemble des médias reçoit une subvention annuelle en fonction des tirages. Il y a un fonds d'allocation pour la presse. Au Sénégal, l'aide à la presse est répartie en violation des lois publiques et cela n'encourage pas la presse. La subvention à la presse n'est pas régulée.
Il n'existe aucune politique de distribution en presse écrite. La seule société formelle de distribution est l'ADP (Agence de Distribution de Presse). L'informel contribue à 90% à la distribution. Depuis les années 60 et 80, la presse était très rémunératrice mais à partir des années 2000, elle est devenue catastrophique.
Il faut que l'état du Sénégal aide la distribution de la presse à travers des moyens comme la poste. Entre autres, il y a également des problèmes structurels. Le Sénégal ne connait pas de presse spécialisée pourtant il y a des besoins dans les secteurs de la santé, agriculture et fiscalités.
Pourquoi lorsqu'on sort de Dakar, on a l'impression d’être dans un autre pays?. Il urge de créer des pôles d'informations dans les différentes régions. Le monde de demain est le monde du savoir. "Plus on saura, plus on pourra guider d'autre qui ne savent pas" dit-il pour finir.
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